VASSIGH
Chidan
N°
étudiant : 15603939
Philosophie
Paris 8 en M1
Email: cvassigh@wanadoo.fr
Site Web: www.chidan-vassigh.com
Validation du cours:
La pensée marxiste face au monde non-européen
Pr. Mathieu
RENAULT
Second
semestre 2017
Comment
peut-on être marxiste en Perse ?
À la lecture de la correspondance des sociaux-démocrates
iraniens avec
Kautsky et Plekhanov en 1908
Introduction
L’application du marxisme, comme pensée
révolutionnaire, dans un monde non-européen, à l’époque de la domination coloniale
ou impérialiste, et au moment où le capitalisme et le prolétariat y sont peu
développés, bien qu’ils commencent à se former et à s’affronter, a toujours été
une des questions non résolues, voire énigmatiques, de la pensée marxiste dès
sa naissance en Europe occidentale au milieu du 19ème siècle.
C’est aussi la problématique des socialistes
iraniens du début du siècle dernier, en 1908, en pleine révolution constitutionnelle
de ce pays, à une époque où l’Occident continuait toujours à appeler l’Iran la
Perse, lointain pays asiatique avec une longue histoire, que les occidentaux,
surtout en France, ont commencé à connaître depuis que Montesquieu écrivit son
pamphlet Comment peut-on être persan ?, dans ses Lettres du même
nom.
Ces jeunes socialistes iraniens se sont trouvés
à Tabriz, deuxième grande ville du pays, située au nord-ouest de l’Iran, à proximité
des frontières de la République
d'Azerbaïdjan et de l'Arménie
actuelles, pas loin des régions pétrolifères et ouvrières des côtes Caspiennes et
de Bakou où travaille un important prolétariat émigré iranien. Ils s’appellent sociaux-démocrates
(en persan : Ejtémaïyoun amïyoun). Ils veulent mettre en pratique
les idées de Marx dans la situation concrète iranienne du début du siècle
dernier. Mais très vite ils se rendent compte qu’ils sont face à une tâche
difficile, à ses conditions de possibilité.
Ils pensent donc s’organiser à l’image des
partis marxistes européens ou russes. Mais ils vont s’opposer rapidement sur
les principes et la ligne politique à suivre dans les conditions de leur pays.
Pour se mettre au clair, ils vont questionner les grands théoriciens du socialisme
de leur époque : l’allemand Karl Kautsky et le russe Gueorgui Plekhanov.
Dans le cadre de notre cours : La pensée
marxiste face au monde non-européen, je me penche ici sur certaines questions posées
par ces marxistes iraniens, connus sous le nom du Groupe social-démocrate de Tabriz, aux
deux dirigeants socialistes européens, dans leur correspondance publiée en
farsi (persan) 1 et que je traduis ici, peut-être pour la
première fois, en français :
- Lettre d’Archavir Tchilinkirian à Karl Kautsky, juillet
1908.
-
Réponse de Karl Kautsky, août 1908.
-
Lettre de Vasso Khatchaturian à Gueorgui Plekhanov, novembre 1908.
- Lettre de Tigran Derviche à Gueorgui
Plekhanov, décembre 1908.
De quoi parle-t-on dans cette
correspondance ? De quelles problématiques ?
- Du rôle de la classe
ouvrière dans la situation particulière de l’Iran.
- De la lutte contre le despotisme
en tant que l’obstacle principal à toute évolution.
- De la démocratie et de
son rapport avec la lutte des classes et le socialisme.
- De la lutte contre le
joug du capital étranger.
- De la nécessité d’une
organisation de classe ou d’un parti démocratique.
- De la participation ou
non à la « révolution bourgeoise ».
- De la tactique dans
une situation différente de celle des pays capitalistes européens.
- Du
socialisme dans un pays où les forces productives ne sont pas développées.
Nous allons voir que la réponse à ces questions,
qui dépassent en fait le cadre iranien et englobe tous les pays non européens à
cette époque et même la Russie, premier pays capitaliste non-développé qui va
faire sa « révolution socialiste », ne sont pas du tout évidentes en
dehors des généralités que l’on puisse énoncer.
En guise de conclusion on dira que les
problématiques posées par ces marxistes d’Orient à cette époque, relevant de la
discorde entre la théorie et la pratique, nous interpellent toujours
aujourd’hui, bien que la situation ait changé sur beaucoup de points à l’heure
de la mondialisation capitaliste.
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La
genèse conflictuelle de la pensée marxiste en Iran
Dès 1901, une relation militante s’établit entre
le parti social-démocrate de Russie (POSDR) et des jeunes marxistes iraniens de
Tabriz, capitale d’Azerbaïdjan d’Iran. Cette province a une longue frontière
avec l'Azerbaïdjan du nord, avec Bakou comme capitale.
Cette région est attachée à l’empire tsariste en 1813 à la suite des conquêtes
d’Alexandre 1er qui voulait donner à la Russie l’accès aux mers
chaudes du sud. On est en possession des lettres de Lénine et Kroupskaïa qui montrent
que les sociaux-démocrates russes émigrés en Europe de l’Ouest acheminent
clandestinement le journal Iskra (l'Étincelle), l’organe du
POSDR, de Berlin vers Bakou à travers un itinéraire qui passe par Tabriz. Leur
représentant dans la capitale caucasienne est un certain Galprine, qui est en
relation avec un arménien iranien de Tabriz, qui lui-même est en liaison avec
le groupe social-démocrate de cette ville.
Le groupe social-démocrate de Tabriz commence
effectivement son activité en été 1905 sous la forme d’un cercle d’études. Celui-ci,
selon l’un de ses membres, Archavir Tchilinkirian, s’est formé à la
suite de la révolution russe de 1905, à l’époque où les idées
sociale-démocrates se propagent en Caucase (région d’Eurasie comprenant entre
autres la Géorgie, l'Arménie
et l'Azerbaïdjan actuels) et surtout à Bakou, grande
ville industrielle et pétrolière, où travaillent beaucoup d’ouvriers immigrés
iraniens sur les champs de pétrole. La création du groupe coïncide aussi avec
le déclenchement de la révolution iranienne pour l’instauration d’un régime constitutionnel
et de droit en Iran (Enghélabé Machroutiat en farsi qui signifie
Révolution constitutionnelle). Le groupe s’élargit rapidement avec de nouveaux membres
au cours de cette révolution qui va durer six ans de 1906 à 1911.
En 1908, date de la correspondance avec Kautsky
et Plekhanov, le groupe est en train de se transformer en un parti
social-démocrate, à la manière du parti russe du même nom. Il a rédigé une
ébauche de programme qui va être proposée pour être validée à l’Assemblée
générale de l’organisation naissante. C’est en ce moment précis que la deuxième
phase de la révolution commence en Iran. Le nouveau roi, Mohammad Ali Chah, fait
bombarder le Majlis, siège du parlement nouvellement
institué en juin, arrêter les députés et fermer le Parlement. Cela va pousser
le mouvement constitutionnel à s’amplifier et se radicaliser jusqu’au
renversement définitif de la dynastie des Kadjar (Ghadjar) en
Iran en 1911. Mais après ce qui est appelé le coup d’état du roi contre le parlement,
le groupe social-démocrate est contraint à réviser son ébauche de programme pour
l’adapter à la nouvelle situation. C’est alors que d’importants désaccords sur
la tactique, la stratégie, les principes et la politique à suivre vis-à-vis de
la révolution en cours et d’une façon générale sur les tâches politiques et
organisationnelles des marxistes en Iran surgissent entre les membres du groupe.
En ce qui concerne les adhérents du groupe et de
leurs antécédents, il semble que la majorité d’entre eux sont des arméniens
iraniens. Ils ne sont pas nombreux : de l’ordre de 28 tout au début de leur activité. Ils viennent des classes
aisées et certains d’entre eux ont étudié en Russie. C’est sous l’influence de
la révolution russe de 1905 et de l’activité social-démocrate en Russie que ces
étudiants iraniens deviennent marxistes. En rentrant chez eux à Tabriz, ils décident
de se constituer en un groupe politique, avec pour modèle la social-démocratie
russe ou européenne.
Mais comme on l’a souligné dès qu’ils commencent
à élaborer leur programme d’action pour le présenter à leur assemblée
constituante, ils se divisent en deux tendances face à des questions d’ordre
politique, théorique, tactique, stratégique et organisationnel. Ils se posent
beaucoup de questions : quelle est la nature du mouvement de masses en
cours ? Quelle est la situation sociale et économique concrète du pays, sa
contradiction principale, l’état du développement des rapports capitalistes, la
situation de la classe ouvrière, la place de la démocratie, de la lutte contre
le capital en Iran etc. Et finalement LA question cruciale : à quelle
étape se trouve la révolution ou le mouvement de transformation
politico-sociale en Iran ? (Bizarrement, il semble que la question
religieuse ne les préoccupe pas tellement alors que la Révolution constitutionnelle
est sous l’influence et la direction des religieux (Rohannyat
correspondant à peu près au clergé chrétien) et que la religion musulmane (l’Islam
et principalement sa branche Chiite) est l’idéologie omniprésente et
omnipotente dans la société iranienne.)
La première tendance, représentée par Archavir
Tchilinkirian et Vasso Khatchaturian, défend une ligne qui se déclare
ouvertement sociale-démocrate ou socialiste : travail d’éducation, d’agitation
et de propagande socialiste dans le milieu ouvrier pour élever la conscience de
classe du prolétariat et de l’organiser ; lutter contre le capital
national et étranger ; participer au mouvement démocratique avec
l’identité social-démocrate et en gardant son indépendance vis-à-vis des
démocrates non socialistes.
L’autre tendance, que l’on trouve sa marque dans
la lettre de Tigran Derviche à Plekhanov, à la
différence de la première, insiste fermement sur le caractère démocratique et
anti- despotique de la révolution et de tout mouvement politique en Iran et de
ce fait préconise l’union avec les démocrates non socialistes et
s’oppose à toute activité d’éducation et de propagande socialiste en l’état
actuel de la société et à toute organisation social-démocrate en tant que telle.
Elle penche pour un parti démocrate rassemblant les démocrates de toute
sensibilité.
C’est dans ce contexte que ces
militants iraniens décident d’écrire à Kautsky et Plekhanov pour demander leurs
avis sur les questions qui les divisent, et ce, avant de tenir leur « congrès »
qui va avoir lieu le 16 octobre 1908. D’après le compte rendu de celui-ci dont on
a trouvé un exemplaire dans les archives de Plekhanov et qui est reproduit par M.
S. Ivanov dans le numéro 5 des « questions orientales » de l’Académie
des sciences sociales de l’URSS édité en 1959 -
les deux tendances se sont fortement
opposées lors des séances et chacune a mis au vote sa ligne politique et
stratégique. La position de Kautsky prônant une activité dans le cadre
démocratique et non socialiste (voir ci-dessous) n’est pas adoptée par la
majorité des trente congressistes. 28 participants, dont Archavir Tchilinkirian
et Vasso Khatchaturian, ont voté pour la première résolution (de
tendance social-démocrate) et deux, dont, Tigran Derviche, pour la seconde (de tendance démocrate). À partir du compte
rendu de leur Assemblée générale et pour récapituler les points de divergence,
que disent en résumé ces deux tendances politiques, plutôt philosophico-politiques,
au commencement de l’introduction de la pensée marxiste en Iran à cette époque?
-
La première,
que nous qualifions social-démocrate, considère que l’Iran est entré dans la
phase de production capitaliste et que diverses activités économiques de
caractère capitaliste y sont présentes. La classe ouvrière existe dans le pays
à côté des petits artisans. Cette situation ouvre la possibilité à l’action
socialiste. Ne pas s’intéresser à la classe ouvrière aide à renforcer la classe
bourgeoise. Les luttes issues des
nouvelles formes économiques, sont déjà apparues. Mais à travers ces luttes
sociales, toutes les forces révolutionnaires se sont rassemblées autour de la
bourgeoisie. En Iran aussi, comme en 1789, en 1830 ou 1848 en France, les gens
les plus actifs dans les luttes sont issus du peuple, c’est-à-dire sont ceux
qui ne possèdent rien. La révolution ne peut atteindre son but logique que
lorsque les acteurs révolutionnaires prennent conscience de leurs intérêts de
classe. Par conséquent, il revient aux sociaux-démocrates iraniens d’organiser
le prolétariat et de lui apporter la conscience de classe en vue du socialisme.
De surcroît, Il incombe [le mot persan utilisé ici est Vajeb, qui a une
forte connotation religieuse et veut dire obligation prescrite par
l’Islam, à l’opposé du mot haram qui signifie l’interdiction dans les
lois musulmanes – cela reflète une fois de plus le poids idéologique et
culturel de la religion dans les discours, même chez ceux qui se réclament du
socialisme à cette époque] à tous ceux qui
luttent de soutenir le mouvement révolutionnaire. En plus, les socialistes, en
tant que les démocrates les plus conscients, ont le devoir de coopérer avec la
bourgeoisie en même temps que de défendre les intérêts du peuple
révolutionnaire et en particulier les paysans sans terre, pour la cause du
progrès économique et social. C’est de cette façon que l’on peut garantir les
intérêts de la démocratie. Alors que rassembler les révolutionnaires autour du
mot d’ordre de la bourgeoise consiste primo à défendre les intérêts de cette
classe et deuzio à affaiblir la révolution. Aucun socialiste ne pourra faire
sienne la démocratie bourgeoise car : 1) les socialistes et les démocrates
se séparent selon leurs conceptions différentes du monde, 2) le démocratisme
des socialistes se différencie par son esprit de résistance et 3) un socialiste
réussit d’autant mieux dans une révolution bourgeoise que lorsqu’il se place
sur la position de la classe ouvrière. Finalement, cette tendance propose la
création d’un groupe social-démocrate authentique, qui doit avoir pour tâche d’attirer vers soi les
ouvriers et les intellectuels les plus conscients et les plus actifs et
d’organiser la masse des ouvriers.
-
La
seconde tendance, que l’on qualifie de démocrate, considère que l’Iran ne se
trouve pas dans la phase de production industrielle, bien que le capitalisme
commence à s’y frayer un chemin. Le prolétariat moderne n’y existe pas. Si les
ouvriers souffrent, ce n’est du fait du système capitaliste mais en raison de
son faible développement. Le socialisme en Iran n’est pas le résultat naturel de
la vie mais un produit d’importation car la bourgeoisie et le prolétariat
industriel n’y existent pas encore. Le mode de production vestige du Moyen-âge,
la pauvreté des ouvriers et la vie de servage que mènent les paysans sans terre
constituent un obstacle aux luttes de classe des ouvriers modernes, à leur
prise de conscience de leur situation. C’est pourquoi il faut opter pour une
tactique de courte durée : créer une organisation démocratique contre le
despotisme et le féodalisme, car les conditions d’une activité
social-démocratique et syndicale ouvrière ne sont pas encore réunies. Dans
cette situation, mener des activités sociale-démocrates porte préjudice à la
révolution, car ça va jeter la démocratie dans les bras de la réaction et cela
à un moment où les forces démocratiques,
pour consolider leur position et mener jusqu’à la fin leur mission historique,
doivent mettre en avant des revendications démocratiques. Sur cette base, Tout
mauvais pas peut produire de mauvais effets sur la suite du mouvement et sur
l’organisation future du prolétariat. Il faut donc, à la lumière de la
situation réelle du pays, se donner un programme politique réaliste et travailler parmi l’ensemble de la population
mécontente de ses conditions de vie. Il faut donc laisser de côté toute
activité social-démocratique pure, qui ne relève que de l’utopie, et s’appliquer
à la seule activité démocratique pour organiser les démocrates, tout en
éliminant de leurs rangs les éléments réactionnaires.
On ne sait pas si les deux fractions que l’on
vient de relater leurs positions se sont séparées rapidement après leur
assemblée générale ou ont pu rester unies pendant un certain temps. Toujours
est-il que deux partis de progrès vont se déclarer et s’installer un peu
plus tard en Iran. L’un va s’appeler parti démocrate (en farsi : Hezbé
Amïyoun) et se consacrer uniquement à la seule cause démocratique, il va
par ailleurs jouer pendant un certain temps un grand rôle politique et l’autre
s’appellera social-démocrate (en farsi : Hezbé Ejtémaïyoun amïyoun), qui
va être le précurseur da la gauche marxiste iranienne.
Dans ce qui suit, nous présentons
la traduction en français de plusieurs lettres : celle d’Archavir Tchilinkirian
à Karl Kautsky (juillet 1908) et la réponse de celui-ci (août 1908),
puis les deux lettres de Vasso Khatchaturian (novembre 1908) et
de Tigran Derviche (décembre 1908) à Gueorgui Plekhanov.
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Lettre d’Archavir Tchilinkirian
à Karl Kautsky
16
juillet 1908
Le
groupe social-démocrate de Tabriz
Tabriz, 16 juillet 1908
Au citoyen Karl Kautsky
Cher citoyen.
Considérant votre très haute compétence en
sciences sociales et économiques, nous nous sommes permis de vous poser à
travers cette lettre quelques questions. Nous sommes heureux d’avoir votre
réponse, le plus rapidement possible, à ces questions qui ont une grande
importance pour nous, car elles comptent beaucoup dans la lutte que nous devons
mener aujourd’hui.
Le groupe des sociaux-démocrates de Tabriz s’est
constitué récemment avec la participation de certains intellectuels de cette
ville. Les raisons qui nous ont amené à créer ce groupe ne sont pas abordées ici
pour ne pas allonger la lettre. Sur ce point, nous allons vous mettre au
courant dans un proche avenir. Nous nous contentons ici de préciser que notre
groupe s’est donné pour tâche, dès le début de sa formation, à propager les
principes du marxisme (plus précisément de la social-démocratie internationale).
Nous avons mis au point l’ébauche d’un programme d’action. Mais les récents
évènements en Iran [la
Révolution constitutionnelle iranienne (1905 à 1911), NDT], a
poussé le groupe à convoquer son assemblée générale en septembre prochain afin
de réviser son projet de programme et de discuter sur sa participation active
au mouvement démocratique iranien.
Bien que le capitalisme industriel n’existe pas
encore en Iran, ni non plus le prolétariat industriel (au sens européen), sur
lesquels le groupe puisse s’appuyer, néanmoins certains de nos camarades sont
fortement d’avis que le groupe doit sortir du cadre de son activité passive
actuelle (la propagande) et participer activement au mouvement démocratique en
cours, en s’attachant à promouvoir la démocratie et le progrès économique et
social en Iran sans fermer les yeux sur nos principes fondamentaux. De toute
évidence, quelqu’un qui se dit social-démocrate, dans la mesure où il est non
seulement socialiste mais démocrate aussi, et bien sûr le plus déterminé des démocrates, ne peut s’abstenir de
participer au mouvement démocratique.
C’est pour cette raison que notre organisation est d’accord sur le principe de
participer aux mouvements. Et si certains camarades ne défendent pas cette
idée, leur refus n’est nullement absolu mais relatif et conditionnel. L’origine
de leur opposition réside dans la perception qu’ils ont de la nature de la
révolution iranienne qui, à leurs yeux, reste obscure et ambigüe.
Vous savez peut-être que
sur la question de la nature des mouvements dans notre pays, il existe deux
points de vue différents.
Selon le premier, le
mouvement en cours n’a aucun contenu progressiste. Ceux qui pensent ainsi
prétendent qu’il est porté sur la lutte contre le capital étranger. Or celui-ci
est le seul facteur qui favorise le développement économique. En un mot, les
buts du mouvement consistent à s’opposer à la pénétration et au progrès de la
civilisation européenne en Iran.
Face à eux, les tenants du deuxième point de vue
déclarent que le mouvement en cours est progressiste car il s’oppose à la
classe féodale et que sa raison d’être se trouve dans l’exploitation des masses
par les propriétaires terriens. Selon eux, le mouvement actuel, c’est la lutte
de la grande et de la petite bourgeoisie (non industrielle mais marchande)
contre les grands propriétaires terriens qui, par leur spéculation, maintiennent le peuple dans la pauvreté
en faisant obstacle au développement du commerce. En
outre, les défenseurs de ce deuxième point de vue ajoutent que malgré les
tendances régressives de ses premières phases, provenant des milieux
réactionnaires, le mouvement abandonner les aspirations imaginaires au fur et à
mesure de son développement. À l’appui de leur argumentation, ils rappellent
cette réalité que malgré la lutte contre le capitalisme étranger, l’importation
des marchandises européennes s’est accrue de façon importante au cours des
années 1906 – 1907, c’est-à-dire au moment où l’Iran est pourvu d’une assemblée
nationale et que le mouvement poursuit son essor.
En rendant un résumé de ces deux positionnements, nous avons la
certitude que vous êtes à tel point au courant de la situation réelle de notre
pays pour que vous puissiez nous donner votre avis sur le caractère de la
révolution en Iran. Sur ce sujet, vos connaissances historiques ont été
complétées par les informations publiées dans la presse, certains livres en langue allemande ou travaux de recherche
sur la situation économique et sociale en Iran. Mais si à chaque fois il vous
manque des données nécessaires pour pouvoir donner votre avis sur un sujet
précis, nous sommes prêts à vous fournir toute sorte d’informations que nous
pouvons vous procurer. Dans ce cas, il
suffit que vous nous envoyiez un questionnaire pour que nous le remplissions et
nous vous le retournions le plus vite possible.
En supposant que vous disposez des informations nécessaires, nous vous
remercions de la réponse que allez donner à ces questions d’ordre théorique et
pratique.
Dans notre prochaine
assemblée générale, nous allons débattre des problèmes ci-dessous et vos
réponses peuvent nous faciliter la tâche de prise de décision :
1- Quel est votre avis sur la nature de la révolution en
Iran ? (explicitez votre réponse). Est-ce qu’elle est réactionnaire ?
(explicitez votre réponse).
2- Que peut-être le rôle des sociaux-démocrates dans un
mouvement complètement démocratique et progressiste ou dans un mouvement
rétrograde (réactionnaire) ? (explicitez votre réponse).
Il est évident que cette
participation au mouvement ne doit pas porter atteinte à nos principes
fondamentaux.
Vous pouvez écrire votre
réponse en français et nous l’envoyer à l’adresse ci-dessous.
En plus de cela, nous
serons heureux de savoir si nous pouvons nous adresser à vous pour toutes les
questions qui nous préoccupent ? Nous sommes certains que nos théoriciens
ne nous priveront pas de leur aide.
Avec
nos salutations amicales
A. Tchilinkirian.
Tabriz.
Iran
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Lettre de Karl KAUTSKY à Archavir Tchilinkirian
1er
août 1908
La réponse de Kautsky est certainement écrite, comme
c’est indiqué en haut de sa lettre, lors d’un séjour de celui-ci dans la
propriété de Paul Lafargue et Laura Marx à Draveil en Seine-et-Oise en été
1908. En 1896, Laura Marx-Lafargue
hérite d’une partie de la fortune de Friedrich
Engels. Paul et Laura achètent alors une propriété à Draveil qui
devient un « sanctuaire », lieu de rencontre des dirigeants marxistes
de l’époque. C’est en cette demeure, en 1911, et à l'approche de ses 70 ans,
que Paul Lafargue, « sain de corps et d'esprit » selon les termes de son
testament, met fin à ses jours pour ne pas subir le joug de « l'impitoyable
vieillesse ». Laura Marx le suit dans la mort.
Draveil
Seine-et-Oise
1er août 1908
Chars camarades.
Je m’excuse de ne pas avoir répondu à votre lettre plus tôt. Ce
retard n’est pas dû à mon désintérêt mais au contraire à l’importance que j’accorde
à votre lettre. J’étais en voyage et votre lettre m’est parvenue hier.
Étant donné que je suis constamment en voyage et
que par conséquent je n’ai pas à ma disposition les informations que j’ai
besoin, je ne pourrais pas vous donner une réponse complète à vos questions. Il
faut que je limite mon propos à quelques lignes.
Par rapport à vos questions, il est difficile
pour moi de porter un jugement sur la situation d’un pays qui est peu connu, et
que ses forces et capacités sont restées jusqu’à aujourd’hui inconnues. Surtout à un
moment où on y assiste à l’effervescence des forces aux puissants changements de
jour en jour.
Cependant, je pense que l’on peut affirmer en
pleine connaissance de cause que les socialistes iraniens ont le devoir de
participer au mouvement démocratique. Les forces socialistes ne peuvent pas
avoir une position complètement passive vis-à-vis de la révolution. Si un pays
n’est pas suffisamment développé pour avoir un prolétariat moderne, alors c’est seulement au mouvement démocratique qui incombe
de donner lieu à la participation des socialistes aux combats révolutionnaires.
Les socialistes participent au mouvement comme
simples démocrates à côté des démocrates bourgeois et petit-bourgeois. Mais
pour eux, la lutte pour la démocratie est une lutte de classes. Ils savent bien
que la victoire de la démocratie ne sera pas la fin de la lutte politique mais
le commencement d’une nouvelle lutte, inconnue, et qui est effectivement impossible
dans un système despotique.
Dans un mouvement démocratique soutenu par
toutes classes laborieuses du pays, il existe toujours des tendances
réactionnaires que représentent certaines petites couches de la paysannerie et
de la petite bourgeoisie. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut rester en
dehors du mouvement. C’est plutôt une raison pour
lutter contre ces tendances réactionnaires dans le mouvement démocratique.
C’est la même tactique que Marx a utilisé dans le processus de la révolution de
1848 en Allemagne. C’est-à-dire au moment où n’existait la moindre condition
pour créer le parti prolétarien.
L’hostilité à l’égard du
capital étranger n’est pas réactionnaire par essence. Naturellement la création
des industries lourdes et du chemin de fer en Iran est aussi importante pour ce
pays que pour d’autres. Mais l’Iran est déjà entré dans la voie du capitalisme
et il est possible que s’il ne soit pas exploité par le capital étranger il
puisse aller plus vite dans cette direction. En
Iran, ce capital n’apparaît pas seulement sous la forme du capital industriel
mais aussi – et surtout beaucoup plus – sous la forme du capital usurier. De ce
fait, toute la nation et même les paysans, qui payent par les impôts les dettes
des gouvernements, sont exploités. C’est pour cette raison que le paysan
s’appauvrit et n’aura plus la capacité d’acheter les produits industriels. Et
c’est aussi la raison pour laquelle, en Iran, comme en Russie, le capitalisme
étranger devient un obstacle au développement du marché intérieur : une
exigence (Voraussetzung) [ce terme allemand entre parenthèse se trouve dans le
texte en farsi – NDT] pour tout développement industriel.
Lorsque l’exploitation de
l’Iran par le capital étranger cesse, le marché intérieur et le capital du pays
[national, autochtone - NDT) se développeront, car la valeur ajoutée reste à
l’intérieur du pays.
Le mouvement ouvrier, afin
de pouvoir s’épanouir, n’a pas seulement besoin de la liberté politique et de
la démocratie mais aussi de l’indépendance du pays – tant économique que
politique - face à l’influence des pays étrangers.
Lorsque les peuples de
l’Orient s’emploient à renverser le capitalisme dans leur propre pays, non
seulement ils luttent pour le socialisme chez eux mais aussi ils luttent pour
nous en Europe. De cette manière, Ils affaiblissent le capitalisme européen et donnent
plus de force au prolétariat européen.
Pour ne prendre qu’un
exemple, si la révolution de 1905 en Russie était victorieuse et avait refusé
de payer les dettes du gouvernement, cela aurait déclenché une révolution du
même ordre en France. Ou si l’Inde et l’Egypte britanniques étaient
suffisamment puissantes pour acquérir leur indépendance, le capitalisme anglais
aurait reçu un rude coup et en conséquence, ses contradictions avec le
prolétariat anglais seraient aggravées. L’Iran et la Turquie qui luttent pour
leur libération, luttent aussi pour le prolétariat mondial.
Cher camarade
J’espère ces quelques
lignes écrites hâtivement soient en mesure de vous satisfaire. Dès que je
rentre à Berlin, si mon emploi de temps me permette, j’étudierai profondément
la situation en Iran. De toute façon, il est important pour nous de s’informer
au sujet du mouvement révolutionnaire qui se déroule actuellement en Iran, sur
ses causes et origines, ses diverses tendances et les classes qui le soutiennent.
C’est avec enthousiasme que
je publierai votre article sur la situation en Iran dans Die Neue Zeit,
journal qui est diffusé à travers le monde. [Le Temps nouveau, Die Neue Zeit,
est une revue fondée en 1881 à Stuttgart par Karl Kautsky avec la
collaboration d’Heinrich Braun et qui dure jusqu’en 1917.
Cette proposition de Kautsky encourage Tchilinkirian
et ses amis à envoyer des articles pour être publiés dans le journal
social-démocrate allemand et à continuer ainsi leur correspondance avec les
dirigeants socialistes de ce pays. NDT]. Vos points de vue
marxistes enrichissent davantage tout article sur l’Iran. Cela nous permet de
voir les problèmes iraniens plus clairement que lorsqu’ils sont exposés du
simple point de vue démocratique.
Bien que votre pays se
trouve dans une situation révolutionnaire, J’espère que ces lignes vous
parviendront. Je vous serre chaleureusement la main et je vous souhaite pleine
réussite à vous et vos camarades.
Karl
Kautsky
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Lettre
de Vasso Khatchaturian à Gueorgui Valentinovitch
Plekhanov
Tabriz,
19 novembre 1908
Par cette nouvelle
lettre écrite par un des membres du groupe SDT, Vasso Khatchaturian,
l’auteur relate d’une façon générale la situation de la révolution en Iran et
les activités du groupe social-démocrate de Tabriz. Khatchaturian explique que
le groupe a dirigé une grève ouvrière dans trois usines de fabrique de cuir le
28 octobre 1908 et il mentionne les revendications des ouvriers :
augmentation des salaires, conditions de travail hygiénique, baisse
du temps de travail, prise en charges des frais de maladie des ouvriers par les
patrons, payement de la moitié du salaire pendant l’arrêt du travail dû à la
maladie, interdiction de licenciement pour cause de grève, etc. Khatchaturian
continue son écrit en exposant son point de vue sur la nécessité pour les
ouvriers iraniens de s’organiser politiquement, par la création de leur propre
organisation politique et économiquement, en créant des unions syndicales, afin
de vaincre l’offensive de la
bourgeoisie…
Nous allons traduire ci-dessous la partie de la correspondance
qui concerne les questions posées à Plekhanov. Malheureusement on n’a pu
trouver la réponse de Plekhanov, s’il y en a.
Très
honorable maître, Gueorgui Valentinovitch
….
Il nous est tout à fait
nécessaire et opportun de prendre connaissance des idées et des points de vue
des théoriciens de la social-démocratie, quelle que soit leur appartenance à
telle ou telle fraction.
Premièrement, il nous faut
savoir et prendre conscience si notre activité sous la forme social-démocrate –
c’est-à-dire socialiste et démocratique – est juste ? À cette question,
Karl Kautsky a écrit au groupe social-démocrate de Tabriz : « si
la situation économique du pays n’est pas encore en état de faire naître l’ouvrier
industriel, alors c’est aux socialistes qu’il incombe la tâche de s’unir avec
le mouvement démocratique et de participer à la lutte révolutionnaire ».
Deuxièmement, c’est une
réalité qu’en Iran le prolétariat n’existe pas de la façon dont il est entendu en
Europe. En Iran, le prolétariat, c’est-à-dire des personnes qui ne possèdent
pas les moyens de production et qui vendent leur savoir et leur force de
travail aux employeurs, n’existe pas. En Iran, la production industrielle
n’existe pas et par conséquent le prolétariat aussi. Est-ce que cette situation
donne raison aux sociaux-démocrates iraniens de ne pas organiser les ouvriers,
qui luttent pour l’augmentation des salaires et pour forcer les capitalistes et
les entrepreneurs à améliorer leur méthode de production ? En Iran, le
salaire journalier d’un ouvrier non qualifié est d’un rial (à peu près 20 kopecks) [subdivision du rouble russe. Un kopeck correspond à 1/100e de rouble – NDT] et celui
d’un ouvrier qualifié est quelque chose de l’ordre de 50 kopecks. Ce salaire de misère permet au capitaliste de sortir
victorieux de la concurrence sans même introduire complètement les machines et
les moyens mécaniques de production.
Troisièmement, est-ce que
nous les sociaux-démocrates, nous pouvons militer pour la liberté de
commerce ? Je comprends cette question de cette façon : est-ce que
nous devons lutter pour mettre fin au système protectionniste douanier et à
tout ce qui est de cet ordre, alors que, vue la situation économique du pays, on
constate l’absence de toute production industrielle nationale ? Est-ce que
notre opposition à la liberté de commerce ne signifie-t-elle pas s’opposer au
développement du capitalisme national et en conséquence au développement du
prolétariat industriel ?
Quatrièmement, c’est la
question du capital étranger. Est-ce que notre participation à la lutte contre
celui-ci est juste ? Quand est-ce qu’elle est réactionnaire et quand
est-ce qu’elle ne l’est pas ? Il faut savoir qu’ici, la production est une
combinaison de productions manuelles ou artisanales, bien que cette méthode
ancestrale soit remplacée par des nouvelles méthodes de production capitaliste
et la prolétarisation des artisans se
développe rapidement. On assiste aujourd’hui au début de la séparation de
diverses branches du monde ouvrier. Mais dans l’ensemble, les machines et les
outils de productions ne sont pas utilisés car les salaires sont très bas.
Cinquièmement, c’est la
question de la force armée. Est-ce que la social-démocratie peut créer une force
militaire ? Au début de la révolution constitutionnelle, les soldats se
sont mis du côté du peuple et en face se trouvaient les forces casaques qui
défendaient farouchement le Chah et la réaction C’est clair que dans cette
situation, pour que la révolution puisse atteindre son but et triompher, il est
nécessaire d’abord que nous organisions le peuple et qu’ensuite nous formions
une armée populaire.
En conclusion, nous devons vous
annoncer que l’influence et le prestige des sociaux-démocrates de Tabriz sont
grands. Les gens ici nous demandent de répondre à toutes leurs questions. Mais
nous sommes des hommes d’action et non des théoriciens. Nous essayons de
fusionner la théorie et la pratique et de résoudre les problèmes d’un point de
vue effectif. Nous pouvions « créer » la révolution iranienne (si ce
terme peut être utilisé par un social-démocrate), mais nous n’avons pas la
force nécessaire. Ici, il existe seulement quatre ouvriers (venant de l’extérieur
[de Bakou – NDT]) et deux ouvrier du pays qui peuvent défendre les principes de
la social-démocratie. Nous avons écrit au comité de Bakou que nous avons besoin
ici d’ouvriers musulmans mais jusqu’à maintenant personne n’est venue.
Je me permets de vous
demander de poser nos questions aux deux fractions menchevique et bolchevique
de la social-démocratie russe, de les mettre en discussion entre vous et de
nous mettre au courant de vos réponses.
Avec tous mes respects
Vassou (Khatchaturian)
------------------------------------------------------------
Lettre de Tigran Derviche à Gueorgui
Plekhanov
3
décembre 1908
Écrite par un autre membre du groupe, Tigran Derviche, à
Plekhanov, cette nouvelle lettre comprend deux parties. Dans la première, un
peu au début et surtout dans la deuxième moitié de la lettre, l’auteur donne un
aperçu général de la situation économique et politique en Iran pour
l’information de Plekhanov. Dans la seconde, l’auteur résume la situation du
groupe social-démocrate de Tabriz et fait connaître ses deux tendances, qui
s’opposent durement sur les questions tactiques, stratégiques et
organisationnelles : parti de classe ou parti démocratique. Tigran
Derviche semble appartenir à cette deuxième tendance. C’est à cette partie-là que
nous allons nous intéresser dans le cadre de cet essai et que nous avons
traduite ici.
Cher camarade
….
La première fois, c’était
dans les cercles sociaux-démocrates de Tabriz qu’on a commencé à débattre sur les questions suivantes : Quelle position
nous devons opter à l’égard de la révolution iranienne ? Quel type
d’organisation devons-nous choisir ? Quelle tactique à prendre ? Ce
sont là des questions auxquelles nous sommes confrontés et nous voudrions
savoir à leur sujet l’avis de nos chers et éminents camarades.
Avant toute chose, il faut
savoir que les socialistes iraniens sont peu nombreux et sont regroupés
principalement à Tabriz. Ce sont des intellectuels qui ont fait leurs études en
Russie et qui, sous l’influence du socialisme international et de la révolution
russe de 1905, ont abandonné leurs idées bourgeoises. Jusqu’à ce jour, ils se
limitaient aux activités culturelles et à un peu de militantisme
(principalement dans le milieu arménien. Il faut remarquer que dans la
social-démocratie iranienne on ne peut pas trouver le prolétaire au sens réel
du terme.
Après une longue
hésitation, Les sociaux-démocrates iraniens ont rejoint maintenant la
révolution. Mais à l’heure actuelle, ils sont à l’arrêt face aux problèmes concernant
la tactique à prendre et l’organisation à choisir.
Leurs points de vue sur ces
deux sujets sont très divergents. Il y a deux tendances principales chez
eux : démocrate et social-démocrate. La tendance social-démocrate propose
la formation d’un parti du même nom avec ses propres principes et tactiques en
Iran. Mais la tendance démocrate, par contre, considère que l’activité
social-démocratique, dans l’état social et économique actuel de l’Iran et dans la
situation où se trouve sa classe ouvrière, est
utopique et inaccessible. Cette tendance soutient par conséquent l’idée
d’une organisation démocratique, c’est-à-dire seulement la démocratie : le
peuple doit faire face uniquement au féodalisme et au despotisme.
Une tendance voudrait donc organiser
les ouvriers du moyen-âge et les travailleurs (qui sont ici des serfs) dans un
parti ouvrier contre le despotisme, le féodalisme et le capitalisme.
Alors que l’autre tendance,
par contre, tient compte de la situation réelle telle que se trouve l’Iran et
considère que dans la situation où la production s’effectue avec des méthodes
artisanales et moyenâgeuses, où le prolétariat est faible et les paysans sont
sans terre et ont le statut de semi-serf, les conditions de la lutte de classes
du prolétariat c’est-à-dire d’un conflit de classe proprement dit, d’une
conscience de classe et des idéaux de classe n’existent pas. Les partisans de
cette tendance proposent donc une tactique provisoire : organiser les
éléments démocratiques contre le despotisme et le féodalisme. Une des raisons la
plus importante qu’ils avancent, c’est que si en Iran la classe ouvrière
souffre, ce n’est pas à cause du développement du capitalisme comme dans les
pays civilisés, mais, au moins, c’est parce que le capitalisme, pour ne pas
dire qu’il est inexistant dans ce pays, n’y est pas entièrement développé. En
ce qui concerne le socialisme iranien, il faut dire cette tendance le considère
comme une importation de l’extérieur et pas comme le produit inévitable de la
réalité de notre vie ici, car au sens européen du terme nous n’avons ni
bourgeoisie ni prolétariat. Les partisans de cette tendance, se référant à ce
que Marx et Engels ont préconisé en 1848, proposent aux sociaux-démocrates iraniens
de s’unir et de s’organiser sous la seule bannière de la démocratie et à partir
de là d’orienter continuellement le mouvement vers la gauche et le renforcement de la force populaire.
Indubitablement, il faut toujours tenir compte des intérêts du prolétariat qui
aujourd’hui, dans la situation déplorable où il se trouve, est incapable
d’avoir une activité politique indépendante.
Voilà un résumé de ce que
préconisent les deux fractions de la social-démocratie iranienne. Maintenant, afin
que vous puissiez donner en connaissance de cause votre avis sur ce différend,
nous allons vous exposer un aperçu de la situation économique et politique et
des rapports sociaux en Iran.
…
En nous excusant d’avoir
pris votre temps par cette longue lettre et en attendant impatiemment votre
précieuse réponse.
Avec nos salutations les plus sincères
De la part du groupe social-démocrate de Tabriz
Tigran Derviche
3 décembre 1908
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En guise de conclusion :
Démocratie
et socialisme, un rapport problématique dans la pensée marxiste.
L’échange d’idées entre les marxistes de l’Est
et de l’Ouest, comme celui que l’on vient d’examiner entre les socialistes
iraniens et européens au début du vingtième siècle, n’est nullement inédit ou
limité à ce cas précis. Il y en a eu bien d’autres avant, à l’instar de la
correspondance entre Véra Zassoulitch et Marx en 1881 sur l’évolution
que pourrait prendre la Russie vers le communisme sans passer par la phase
capitaliste. Et il y en aura après, surtout à la suite de la Révolution
d’Octobre et avec la création de la troisième internationale.
En conclusion, il nous semble que ce périple à
travers la correspondance entre les marxistes iraniens et les dirigeants
socialistes européens comme Kautsky et Plekhanov, nous éclaire encore plus sur l’une
des problématiques, toujours actuelle, du marxisme : Que faire avec
une théorie - pratique (une praxis) qui est née et s’est développée principalement
au 19ème siècle dans les conditions historiques particulières,
économiques et sociales, de l’Europe occidentale capitaliste et qui vise en
même temps l’universel ?
Marx s’est bien rendu compte, surtout dans les
dernières années de sa vie, et notamment à la lumière de ses lectures non
européennes sur l’Inde, la Russie etc., qu’il ne pourrait y avoir une voie
unique et unilinéaire de passage des formations sociales vers le communisme. Pour
les pays non européens, avec des situations économiques et sociales différentes, la transition au communisme pourrait ne pas passer
nécessairement par une étape
préliminaire capitaliste, comme cela semble être le cas en Europe occidentale
si un tel passage aurait lieu. C’est dans la version française du Capital
(1872-1875), dans la préface à l’édition russe du Manifeste du parti
communiste (1882) et dans certains de ses derniers écrits et notes tardifs,
comme dans la réponse à la militante révolutionnaire russe Véra
Zassoulitch, que l’on voit clairement chez
Marx une prise de distance avec la conception historiciste-linéaire-déterministe
du développement des formations sociales, discernable dans ses écrits
antérieurs ainsi que notamment chez son ami Engels.
Dans la deuxième préface
à l’édition russe du Manifeste en 1882 on lit :
« Le Manifeste communiste
avait pour tâche de proclamer la disparition inévitable et imminente de la
propriété bourgeoise moderne. Mais en Russie… nous trouvons que plus de la
moitié du sol est la propriété commune des paysans. Dès lors la question se
pose : l’obchtchina russe, cette forme de l’antique possession en commun
du sol, bien que fortement minée, peut passer directement à la forme supérieure
de la propriété collective communiste ? Ou si elle doit au contraire
parcourir d’abord le même processus de dissolution qui caractérise le
développement historique de l’Occident ?
La seule réponse possible aujourd’hui à cette
question est la suivante : si la révolution russe donne le signal d’une
révolution prolétarienne en Occident, et si toutes deux se complètent,
l’actuelle propriété en commun du sol en Russie peut servir de point de départ
à une évolution communiste.»2
Cinq ans après, en 1887, Marx rédige une
réponse à un article sur Le Capital publié dans un journal russe, Otechestvennye
Zapiski, par un dirigeant socialiste populiste Nikolaï Mikhajlovski.
Celui-ci lui attribue « une théorie unilinéaire de l’histoire humaine,
chevillée à une théorie du développement selon laquelle d’autres sociétés sont
destinées à suivre l’Angleterre dans la voie du capitalisme ». Dans sa
réponse, Marx écrit qu’il n’est pas en
désaccord avec l’argument des populistes russes selon lequel dans le cas de la
Russie arriérée on peut sauter l’étape capitaliste afin de passer au socialisme
en suivant une autre voie que celle qui est envisagée pour l’Occident :
« Je suis arrivé à ce résultat : si la
Russie continue à marcher dans le sentier suivi depuis 1861, elle perdra la
plus belle chance que l’histoire n’ait jamais offerte à un peuple, pour subir
toutes les péripéties fatales du régime capitaliste.»3
Et Marx, niant avoir tenté d’esquisser les
contours de l’avenir des sociétés non occidentales, comme la Russie, dans Le
Capital, ajoute :
« Le chapitre sur l’accumulation primitive
ne prétend que tracer la voie par laquelle, dans l’Europe occidentale, l’ordre
économique capitaliste est sorti des entrailles de l’ordre économique féodal.»4
À l’appui de cette
affirmation, il cite l’édition française de 1872-1875 du livre I du Capital
où il a modifié le texte sur l’accumulation dans le sens « d’une
perspective multilinéaire », en écrivant à propos de l’expropriation des
cultivateurs :
« Elle ne s’est encore accomplie d’une
manière radicale qu’en Angleterre… Mais tous les pays de l’Europe occidentale
parcourent le même mouvement.» 5 [La
deuxième phrase ne se trouve pas dans les versions précédentes du Capital.]
Mais cette réponse de
1877 ne dit rien sur la particularité de la société russe. C’est dans la réponse
à la lettre de Vera Zassoulitch que Marx suggère pour la Russie une voie de
développement social différent de celui de l’occident. En effet, la
révolutionnaire russe demande à Marx si en Russie la commune rurale est capable
de se développer dans la voie socialiste ou si elle est destinée à périr et
s’il fallait donc que les socialistes russes attendent le développement
capitaliste, l’émergence d’un
prolétariat etc. Dans sa réponse, datée du 8 mars 1881 et deux ans avant
sa mort, Marx cite de nouveau l’édition française du Capital qui limite
l’accumulation primitive à l’Europe occidentale et conclut : « ‘’La
fatalité historique’’ de ce mouvement est donc expressément restreinte aux pays
de l’Europe occidental ». Il ajoute qu’en Europe occidentale la
transition de la propreté féodale à la propriété capitaliste est « la
transformation d’une forme de propriété privée en une autre forme de
propriété », mais que le développement du capitalisme requérait des
paysans russes qu’ils transforment, « au contraire… leur propriété commune
en propriété privée ». Or : « L’étude spéciale que j’en ai
faite… m’a convaincu que cette commune est le point d’appui de la régénération
sociale en Russie… » À condition que soient
éliminées « les influences délétères » qui entravent « son
développement spontané».6
Mais les questions que posent les socialistes
iraniens à Kautsky et Plekhanov sont d’un autre type, tout en restant essentiellement
de même nature problématique. Certes, il ne s’agit pas ici, en Iran du début de
20ème siècle, de la question du passage des communes rurales au communisme
en évitant les péripéties fatales du régime capitaliste. De telles communautés
n’existent pas en Iran où les paysans, formant la grande majorité de la
population, ne possèdent rien en particulier ou en commun, travaillent sur les
terres des propriétaires terriens qui sont liés à la bourgeoisie marchande du
Bazar. Les paysans iraniens survivent sous le joug combiné des propriétaires et de l’État despotique
qui les soutient et les protège, un État tout-puissant qui est lui-même un
grand propriétaire des terres du pays.
La question centrale qui se pose alors aux
militants iraniens à cette époque, et qui est clairement explicitée et formulée
dans leur correspondance, c’est de savoir comment articuler, allier ou agencer les
deux types ou genres de lutte : d’une part, la lutte pour la démocratie contre
l’autocratie, tâche qui doit s’appuyer sur le peuple dans sa diversité de classes
et d’intérêts, comprenant donc la bourgeoisie nationale, les propriétaires
terriens, le clergé etc., et d’autre part, la lutte pour la justice sociale et le
socialisme, combat qui ne peut s’appuyer principalement que sur les
travailleurs et les opprimés face à l’exploitation du capital étranger, des
grands propriétaires, de la bourgeoisie et du clergé qui soutient l’ensemble de
ces classes et qui en dépend.
De cette question centrale sur le rapport problématique
de la démocratie et du socialisme dans la situation concrète d’un pays comme
l’Iran où les marxistes sont amenés à lutter sur deux fronts : à la fois
contre l’autocratie soutenue par le capital étranger et contre l’exploitation
de la bourgeoisie nationale, d’autres questions sur des sujets étroitement liés
et interdépendants surgissent aussi. Questions sur la tactique et la stratégie
de lutte à suivre ; sur l’alliance politique à former ou à ne pas former ;
sur le type d’organisation (parti socialiste/communiste ou parti démocratique)
à créer ; sur le programme minimum et maximum ; sur la tâche
principale des militants : en direction d’une classe ou de groupes sociaux
particuliers ou en direction du peuple en général ?; sur la lutte contre
le clergé islamique et son emprise politique et sociale ; sur le combat
culturel contre les traditions réactionnaires et ancestrales, religieuses ou
non ; sur la façon de participer à la
Révolution constitutionnelle en marche, qui se trouve sous la direction de la
bourgeoisie nationale et du clergé : comment garder son indépendance
et sa particularité avec les autres groupements politiques ?… etc.
La réponse de Kautsky aux questions posées par
le groupe social-démocrate de Tabriz, bien que générale, est pourtant
instructive à certains égards. En 1908, Kautsky a certainement connaissance des
écrits tardifs de Marx et Engels sur la Russie, l’Inde etc. Il connait aussi
les différentes tendances au sein de la social-démocratie européenne divisée
entre marxistes révolutionnaires, lassaliens, réformistes etc. Il est considéré
comme un des plus grands (sinon le plus grand) théoricien de la
social-démocratie. Et on va voir que, dans ses grandes lignes, la réponse de
Kautsky reste sur une position classique et orthodoxe, fidèle à un certain « marxisme »
attaché au principe de l’existence de deux phases bien distinctes et délimitées
de la lutte des socialistes, et cela conformément à ce qui s’est passé en
Occident : une démocratique et l’autre socialiste.
Que suggère Kautsky, dans les grands principes, aux
marxistes iraniens sur la lutte qu’ils doivent mener dans leur pays ?
- Qu’ils ont le devoir impératif
de participer à la lutte pour les libertés et la démocratie, même si les forces
du prolétariat sont faibles pour marquer et inspirer le mouvement.
« Je pense que l’on peut affirmer en
pleine connaissance de cause que les socialistes iraniens ont le devoir de
participer au mouvement démocratique. Les forces socialistes ne peuvent pas
avoir une position complètement passive vis-à-vis de la révolution »
- Que la victoire de la démocratie sur le
despotisme en Iran doive être considérée comme « le commencement
d’une nouvelle lutte, inconnue, et qui est effectivement impossible dans un
système despotique». Nouvelle lutte - il s’agirait implicitement de la
lutte pour le socialisme -qui à l’état
actuel de la situation iranienne semble impossible.
- Que les socialistes, « au moment où n’existe la moindre condition pour créer le
parti prolétarien », ne doivent
pas former un parti à part mais doivent « participer au mouvement comme
simples démocrates à côté des démocrates bourgeois et petit-bourgeois ».
Alors que, souligne Kautsky, « la lutte pour la démocratie est une
lutte de classes ». Mais la question reste néanmoins toujours posée et
la réponse de Kautsky ne résout rien : de quelles classes en conflit
s’agit-il ? Et de quelles manières politiques ou autres ces classes se
manifestent-elles ?
- Que dans le mouvement démocratique, les
socialistes, en tant que simples démocrates, sont amenés à lutter contre
les tendances réactionnaires qui existent toujours et qui « représentent
certaines petites couches de la paysannerie et de la petite bourgeoisie ».
En cela, ils doivent appliquer « la même
tactique que Marx a utilisé dans le processus de la révolution de 1848 en
Allemagne ».
- Que le capital étranger en Iran est un
obstacle au développement du marché intérieur, ce qui
représente une condition sine qua non, une exigence (Voraussetzung) dit
Kautsky, pour tout développement industriel, donc pour tout développement indépendant
du capitalisme national, autochtone, et donc conséquemment pour tout
développement des forces productives, du prolétariat etc. En ce sens la lutte
contre le capital étranger n’est pas réactionnaire par essence, car en
mettant fin à l’exploitation du pays par le capital étranger, la valeur ajoutée
créée ne va pas à l’extérieur, ne sort pas du pays, mais reste à l’intérieur et
l’accumulation capitaliste se fera dans le cadre national.
- Que le mouvement ouvrier,
pour s’épanouir, a besoin de l’indépendance du pays – tant économique que
politique - face à la pénétration et l’exploitation des pays étrangers.
-
Et que finalement, la lutte des peuples d’Orient, en affaiblissant le
capitalisme européen, renforce le prolétariat européen. En ce sens ces peuples,
en luttant contre le capital européen dans leur propre pays, luttent aussi pour
nous en Europe.
Voilà en résumé ce qu’on
peut dire de la réponse de Kautsky. On voit bien qu’elle conforte dans
l’ensemble la position de la deuxième tendance du groupe social-démocrate de
Tabriz, celle qui prône une lutte purement démocratique dans la situation
concrète du pays. Mais la majorité du groupe, on le sait aussi, ne suit pas les
recommandations du théoricien social-démocrate allemand. Cela montre aussi une
certaine indépendance d’esprit de la part de ces jeunes marxistes orientaux.
Finalement les problématiques posées par ces marxistes d’Orient
tout au début du siècle dernier, relevant de la discorde entre la théorie et la
pratique, nous interpellent toujours aujourd’hui, bien que la situation ait
changé sur beaucoup de points à l’heure de la mondialisation capitaliste.
La question du socialisme et de son rapport problématique
et conflictuel avec la démocratie reste toujours un des problèmes majeurs et non
résolus de notre époque, tant au niveau théorique que pratique et
organisationnel. Cette assertion est non seulement valable pour les vieux pays
capitalistes occidentaux, à l’heure de l’avènement des pouvoirs de plus en plus
autoritaires et policiers, de la montée des idéologies réactionnaires et
nationalistes, d’extrême droite (proto-fasciste), du populisme (de gauche ou de
droite) etc., mais aussi et surtout dans les pays d’Asie, d’Afrique… où les
peuples font face à la coalition entre d’un côté une autocratie (souvent liée à
la théocratie) et de l’autre un capitalisme mondialisé pénétrant profondément
partout dans le monde. Il s’agit donc de savoir comment peut-on combiner et
articuler à la fois les deux luttes pour la démocratie et le socialisme, toutes
deux essentielles et incontournables, sans tomber dans les travers classiques,
dogmatiques… dans un sens comme dans l’autre, en abandonnant, réduisant ou
dévalorisant l’une ou l’autre ? Dans toute sa simplicité, c’est la grande
question que nos jeunes marxistes iraniens de l’an 1908 ont posé à leur époque et
qui nous interpelle toujours aujourd’hui plus de cent ans après.
À ce sujet, la seule chose que l’on puisse affirmer
à présent et avec une certaine assurance, c’est que vis-à-vis de ces deux vieux
concepts de la politique (et philosophie politique), à savoir la démocratie
et le socialisme, l’analyse théorique et l’expérience pratique (historique,
nationale et internationale) ont mis en évidence que l’on ne peut pas, que l’on
ne doit pas, opposer l’un à l’autre ou nier l’un au profit de l’autre, sachant que
les deux vont de pair, se complètent, s’enrichissent… bien que d’un autre côté,
il nous incombe impérativement de les repenser, les redéfinir et même les
refonder, dans leur sens et relation réciproque, à l’aube de ce troisième millénaire.
---------------------------------------
Bibliographie et livres consultés
1.
Lettres échangées entre la social-démocratie
iranienne avec Kautsky et Plekhanov. In : www.tabrizinfo.com.
2. Le
marxisme et l’Asie 1853-1964. Hélène Carrière
d’Encausse, Stuart SCHRAM. Armand Collin, 1965.
3. Marx
aux antipodes. Kevin
B. ANDERSON. Syllepse, 2015 ;
4. Syndicalisme
et mouvements politiques en Iran (1900-1953). F. Ghassemi, Zagros, 2006.
5.
Manifeste du parti communiste. Marx et Engels. Prés.
& commentaire par François CHATELET. Bordas. 1986.
6. Livres
en persan sur le mouvement socialiste iranien et la Révolution
constitutionnelle (1905-1912) :
-Machroutheh
irani
(Révolution constitutionnelle iranienne), Macha’allah ADJOUDANI, Akhtaran,
2003.
-
Mouvement de Mirza Koutchek Khan Djangali et la première république soviétique
en Iran.
NOTES
1.
Site en persan, l’encyclopédie de la
ville de Tabriz, groupe social-démocrate de Tabriz: www.tabrizinfo.com
2.
Manifeste du parti communiste, Marx et Engel.
Ouvres choisies. Édition du Progrès. Pages : 102-103.
3.
Marx aux antipodes. Kevin B. ANDERSON. Page
342.
4.
Idem. Page 342.
5.
Idem. Page 343.
6.
Idem. Pages
347-348.